samedi 12 novembre 2016

QUAND LES LABORATOIRES SOUVIGNET ET HOMPS NOUS SOIGNAIENT


COMPTE – RENDU DE LA CONFERENCE du 5 NOVEMBRE 2016
La salle Lauragais de la M.D.A était quasiment comble pour écouter Colette Ourliac et Francis Falcou évoquer ce que furent les activités des Laboratoires Souvignet et Homps dans le domaine de la pharmacie au siècle dernier. Mr Patrick Maugard, Maire, honorait de sa présence cette soirée.

Francis Falcou rappela d’abord les précédentes recherches de Colette Ourliac dans ce domaine depuis 20 ans, au sein de notre Association : l’ étude des 122 pots Moustiers de l’apothicairerie de l’hôpital publiée en 1997 et épuisée ; les notices sur le mobilier découvert à l’apothicairerie, toujours, en 2001, la mise en place des verreries, la présentation de l’herbier, la conférence sur les maux et leurs soins dans les hôpitaux de Castelnaudary en 2005, l’exposition des photos des 22 plus belles apothicaireries de France en 2009, etc...

ll rappela l’étude du Docteur Jean Mordagne publiée en 1904, concernant les apothicaires de Castelnaudary au XVIème siècle, la manière de devenir diplômé, d’exercer ce métier, l’existence de remèdes secrets…  C’est à partir de l’exposition organisée aux Archives de l’Aude d’Avril à septembre 2014 que l’idée de la conférence du jour est venue aux 2 conférenciers  désireux d’utiliser des documents en leur possession, notamment le catalogue des Laboratoires Souvignet. 

Colette Ourliac se livra alors à l’étude du dit catalogue présenté grâce au diaporama de Jean- Claude Décossin  : une belle page de couverture organisée autour de la figure de Jean Souvignet avec des annonces importantes : Dépôt général des remèdes de l’Abbé Sournies chez le pharmacien Spécialiste médaillé de l’Ecole de médecine et de pharmacie, chevalier de la Légion d’Honneur,  et la mention en capitales : Laboratoires Chrétiens. Suit la publicité de la SANTIFERE, un remède du XVIème siècle d’après une formule des moines de Sigean ….. or les Capucins ne se sont installés à Sigean qu’en 1726… Le remède  procure bien sûr à ceux qui le prennent une santé de fer !                                     

L’Abbé Sournies serait un savant botaniste, ce qui a conduit Francis Falcou à chercher à connaître sa biographie. Les archives de l’Evêché nous apportent un minimum de renseignements  : sa date de naissance, le 10 février 1870 à Ladern et la liste des paroisses où il a exercé son ministère : Alet, Villardebelle, Rieux en Val et enfin Villemagne, le 1er Mai 1895, où il décéda le 21 octobre 1944. Nous ne savons rien de ses études alors que nous aurions aimé connaître comment il avait acquis sa connaissance des plantes lui permettant de devenir « le soigneur » dont Jean Souvignet reprendra et commercialisera les produits...

Nous sommes  par contre bien renseignés en ce qui concerne Jean Souvignet car Francis Falcou a pu entrer en relation avec sa fille et sa petite-fille, Barbara Souvignet et Marie Serna (Professeur à H.E.C. à Paris) par l’entremise de Mme Gertou, ancienne employée des Laboratoires. Jean Souvignet est né à Saint-Etienne le 5 juillet 1884 mais il vint vivre à Lyon à la suite du second mariage de sa mère avec un pharmacien de cette ville ; étudiant en pharmacie à Lyon, il sera stagiaire dans plusieurs officines, puis interrompra ses études pour aller à Genève et Lausanne ; de retour à Clermont-Ferrand, il obtient son diplôme de pharmacien et s’installe dans le Puy de Dôme.

Mobilisé durant la 1ère guerre mondiale, il sert comme pharmacien dans les trains sanitaires ; rendu à la vie civile, il quitte l’Auvergne et acquiert à Castelnaudary la pharmacie Roques située 11 rue Gambetta qu’il transfèrera au 3 de la même rue pour s’agrandir ; il acquiert ensuite une propriété route de Pexiora, Bagatelle, sur le terrain de laquelle il va construire ses laboratoires pour fabriquer des produits dont il a mis au point les formules ; le 1er juillet 1933 il dépose au greffe du Tribunal de commerce de Castelnaudary la marque : La Santifère, tisane inventée par l’Abbé  Sournies ; ses laboratoires occuperont une trentaine de personnes, seront en sommeil pendant la seconde guerre mondiale mais reprendront leur activité après la libération jusqu’au décès de Jean Souvignet, le 17 décembre 1960. 

Colette Ourliac a étudié le catalogue des produits qu’il proposait, outre la Santifère, et remarqué qu’ils font souvent référence au domaine religieux : l’embrocation Ambula guérit « de façon miraculeuse », la pommade Lactiflore, la tisane Salviflore sont des préparations qui guérissent là où les autres ont échoué ; avec le sirop Pulmo-Sournies, le malade « reprend des forces et renaît à la vie  » La composition des préparations est rarement indiquée mais il en existe 3, celle des pastilles Sournies à base de miel, de réglisse et d’essence d’eucalyptus, la tisane Salviflore contient de la sauge et la tisane uroflore de la livêche et de l’ononis. Jean Souvignet propose aussi le Baume Saint-Marc, les emplâtres rouges de Sœur Claudia de l’Ordre de la Miséricorde du Brésil, le laxatif Toméo en pastilles chocolatées pour aider la prise par les enfants ; la poudre Rosalba qui soigne les problèmes féminins ; l’eau royale du Lys d’or qui est le soin incontournable des problèmes oculaires.

Le catalogue indique les prix et cite des courriers de satisfaction qui prouvent que les ventes étaient bien établies à travers la France.

 Jean Souvignet se révèle être un pharmacien habile ; il a construit autour d’une exclusivité : les remèdes de l’Abbé Sournies, une stratégie commerciale très cohérente qui diffuse ses autres produits ; il a soulagé bien des maux, sa mission de pharmacien a été remplie.

Non loin de la pharmacie Souvignet, au 60 de la rue de Dunkerque se trouvait la pharmacie Homps (aujourd’hui Tignol) qui possédait aussi un laboratoire fabriquant des spécialités et était le dépositaire des laboratoires Opos : Aubéliode, Oposséine, Rhumofan ; il nous a été impossible d’avoir une biographie  du dit pharmacien qui n’est pas né ni enterré à Castelnaudary ; aucun dossier le concernant n’est conservé au Conseil de l’Ordre des pharmaciens ; l’histoire orale nous a permis de savoir qu’il possédait des terres à Saissac et Villemagne où il est enterré ; un article de presse du 22 octobre 1975 rapportant un jugement du Tribunal de Narbonne nous apprend qu’il était né en 1909. Des généralités insuffisantes mais qui ne nous ont pas empêchés de nous intéresser à ses produits. Il proposait entre autres le vin d’amour dont la composition stimulante, riche en caféine, tonique du coeur, ne fait aucun doute quant à ses heureux effets !...

Une malencontreuse panne de batterie nous a privés des 3 dernières illustrations qui montraient les boîtes d’Oposséine et une mystérieuse pastille blanche vendue dans une boîte sans indication ; on lisait sur une face de la pastille : Menthol, Borax, Cocaïne …..

            Francis Falcou concluait en citant Anton Tchekhov : « la science et les médicaments évoluent avec les années mais l’odeur des apothicaireries semble aussi éternelle que la matière »

Invité  à dire le mot de la fin, Mr le Maire racontait une anecdote selon laquelle le pharmacien-paysan  s’était présenté aux élections cantonales contre le Maire de Villemagne, conseiller général sortant, et n’avait obtenu …. Aucune voix, pas même la sienne lors du dépouillement !